Pour ce premier volet, intéressons-nous à François Vatel qui a marqué l’histoire de deux magnifiques demeures : Vaux-le-Vicomte et Chantilly sous le règne de Louis XIV. Bien qu’ayant marqué son époque par le faste des réceptions qu’il organisait, était-il vraiment cuisinier et comment a-t-il contribué à l’évolution de la gastronomie française ?
Vatel et la crème Chantilly
Toute une légende !
Si le nom de Vatel est associé à celui de Chantilly, c’est bien pour sa présence au Château de Chantilly et non pour la recette de la crème fouettée. Il officiait à Chantilly en tant que maître d’hôtel de Louis II de Bourbon-Condé, cousin du roi.
La légende raconte qu’il aurait manqué de crème au cours de la grande fête offerte pour le roi en avril 1671. Voulant pallier cette pénurie, il aurait battu le peu de crème qu’il avait pour lui donner du volume. Or la crème battue se consommait déjà dès l’époque de Catherine de Médicis. La recette n’était alors pas sucrée et ne le devint qu’à la fin du XVIIIe. Mais nul ne sait à qui attribuer cette paternité.
La vie de François Vatel
D’origine suisse, on le dit pâtissier-traiteur. Fils de laboureur, il préfère entrer en apprentissage chez un pâtissier-traiteur plutôt que de suivre les traces de son père.
Il rejoint les cuisines du Château de Vaux-le-Vicomte, habitation en cours de construction du Surintendant des finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet. Doué pour l’organisation, il est rapidement nommé maître d’hôtel.
Lors de l’inauguration du château en 1661, fête à laquelle le roi et sa mère sont conviés, Vatel organise une somptueuse réception, dont le faste blesse Louis XIV dans son orgueil.
Le trop ambitieux Fouquet, se fait alors arrêter et remplacer par Colbert. Par peur, Vatel s’enfuit et après un exil en Angleterre, se fait engager en 1663 au Château de Chantilly, en tant que contrôleur général de la bouche.
Vatel et la marée
Rendue publique par le film éponyme, l’histoire de Vatel et de son approvisionnement de poissons serait à l’origine de son suicide. 10 ans après Vaux-le-Vicomte, Vatel est en charge de 3 jours de festivités incomparables, pour 3000 convives, ayant pour but de restaurer les bonnes grâces du roi sur son maître le Grand Condé, qui avait tenté de renversé Louis XIV enfant, pendant la Fronde.
Trois jours pendant lesquels il fallait nourrir et divertir 3000 convives.
Est-ce son orgueil démesuré ou la peur d’infliger une humiliation et un déshonneur certains à son maître qui le poussa à un tel acte ?
Ne voyant arriver que deux paniers de poissons, le 24 avril 1671, il met fin à ses jours, juste avant la livraison tant attendue.
Le caractère cuisinier
Ainsi que le souligna Philéas Gilbert, cuisinier et rédacteur de la revue « L’Art Culinaire » qu’il lance avec Auguste Escoffier :
« En admettant que l’on nous fournisse un jour la preuve authentique que Vatel a bien exercé la cuisine, son suicide sensationnel n’en démontrerai pas moins qu’il n’avait pas le caractère « cuisinier » parce qu’il ne sut pas se débrouiller dans une passe critique, qu’il ne se montra pas à la hauteur des circonstances ».
Ce maître d’hôtel au destin tragique, n’était assurément pas cuisinier et n’a laissé derrière lui qu’une légende, mais point de recette, pas même celle de la crème chantilly. Il n’en reste pas moins que François Vatel avait le talent de la démesure de l’époque et reste un symbole des réceptions et de l’art de vivre à la française sous le règne de Louis XIV.