Sorti du carcan d’Escoffier, porté aux nues par Curnonzky, Fernand Point était le chef de La Pyramide à Vienne, un des tout premiers établissements à obtenir 3 étoiles au Guide Michelin. Mentor de Bocuse, inspirateur de Ducasse, il était obsédé par la simplicité et le goût du produit.
« Pour bien manger en France, un Point c’est tout »
La célèbre phrase de Sacha Guitry résume assez bien l’homme. Il faut dire que le colosse de la Pyramide a la cuisine dans le sang. Son père tient l’hôtel-buffet de la gare de Louhans, sa mère et sa grand-mère y sont aux fourneaux. Après un apprentissage en famille, il parfait ses gammes au Restaurant Foyot, au Bristol, au Majestic et à l’hôtel Royal d’Evian.
Son père quitte Louhans pour Vienne puis laisse son nouveau restaurant à Fernand Point qu’il rebaptise La Pyramide.
Les gastronomes de la nationale 7
Idéalement située sur la route du midi, La Pyramide devient rapidement une étape pour gastronomes. On y goûte une cuisine classique, à la cuisson attentive et faite avec des produits de qualité et une créativité nouvelle. Outre la cuisine et la personnalité haute en couleurs du chef, l’accueil de Mado Point, le décor soigné et le couvert élégant contribuent à faire la renommée de La Pyramide. Le couple fait l’unanimité auprès des clients. La Pyramide est en vue.
Le célèbre critique gastronomique de l’époque, Curnonsky, décrit La Pyramide comme « le sommet de l’art culinaire ». Guitry, Cocteau, Fernandel, Colette, les personnalités s’y pressent.
Les prémices de la cuisine moderne
Fernand Point et son verbe haut, Mado et son accueil à toute épreuve, l’emplacement idéal de La Pyramide ne sont pas les seules clés du succès de l’établissement.
Finesse, équilibre, pureté. La cuisine de Fernand Point diffère et inspire. Fernand Point mise tout sur le produit, approche nouvelle à l’époque.
Il s’extrait peu à peu des recettes compliquées du chef Escoffier, pourtant déjà plus simples et plus légères que celles de Carême. Il allège les sauces, travaille de nouveaux accords, voulant simplifier les préparations et respecter les saisons, dans un seul but : l’excellence.
Des apprentis aux grands noms
Sa nouvelle vision de la cuisine fit quelques émules. Paul Bocuse, Pierre et Jean Troisgros, Alain Chapel, Raymond Thuilier, Claude Peyrot, François Bise, Pierre Gaertne, Louis Outhier se sont frottés à ses pianos et ont par la suite su parfaire leur apprentissage chez le maître de l’époque. L’intransigeance de Fernand Point, sa recherche constante de la perfection font de lui l’un des 3 grands chefs de l’entre-deux-guerres avec Alexandre Dumaine et André Pic.
Il obtient deux étoiles au Guide Michelin en 1928 et la troisième en 1933.
L’héritage de Fernand Point
Simplicité dans l’assiette, parfaite maîtrise des techniques, car les choses les plus simples en apparence sont souvent les plus difficiles à réaliser, Fernand Point a marqué toute une génération de chefs, emportant avec eux quelques illustres recettes.
Foie gras en brioche, truite fourrée à la julienne de légumes, turbot au champagne, loup en feuilleté, gratin de queues d’écrevisses ou gâteau Marjolaine furent parmi les classiques de Fernand Point. Sa sole aux nouilles fut longtemps à la carte de chez Bocuse. Son influence est grande, et certains chefs réinterprètent ses recettes comme celle de la poularde de Louhans truffée en vessie.
Mais ce qui caractérise le mieux Fernand Point, c’est cet amour du respect du produit, de son terroir et de sa saisonnalité, une notion désormais partagée par tous.