«Plaidoyer pour le vin naturel», c’est le titre du livre (éditions Nouriturfu) écrit par l’avocat Éric Morain, ardent défenseur de ce vin, véritable particularité dans le monde œnologique, par son élaboration simple et naturelle mais surtout parce qu’il n’est administrativement pas répertorié et donc sujet de polémiques et régulièrement au cœur de batailles juridiques.
Dans la postface de ce livre, il est écrit qu’Éric Morain, qui a livré de nombreuses plaidoiries devant les tribunaux, défendu des vignerons emblématiques et gagné tous ces procès dans ce domaine, a engagé un véritable combat juridico-humain. Juridique parce que la législation autour du vin naturel est à la foi floue, complexe et extrêmement restrictive car les mentions « nature » et « naturel » sont toujours interdites. Rappelons qu’un vin naturel, selon l’AVN, est un vin issu de vignobles cultivés en bio ou en biodynamie. Les vendanges sont obligatoirement manuelles. Seules les levures indigènes sont autorisées pour la vinification, en revanche aucune des techniques à même de modifier le travail du raisin n’est autorisée. le viticulteur n’a pas le droit d’ajouter d’intrants, seules des doses légères de sulfites (produites naturellement lors de la fermentation) peuvent être tolérées. Une méthode de vinification ancestrale dont les traces remontent à plus de 8000 ans aux confins de la Georgie et de la Grèce. Mais, plutôt que de dresser un constat de l’imbroglio qui conduit les hautes instances vinicoles à rejeter et parfois attaquer ceux qui produisent ces vins, en grande partie sous la pression de vignerons conventionnels qui estiment que l’appellation « naturel » sous-entend que les autres ne le sont pas, Éric Morain a préféré raconter l’histoire de 5 vignerons « qui travaillent les pieds dans la terre, les mains dans la vigne et se sentent comme des chiens dans un jeu de quille »
Hommage aux tailleurs de terre
Il y a Sébastien qui fait l’un des meilleurs sancerre du monde mais qui n’aime pas les CVO (Contribution Volontaire Obligatoire) et s’est retrouvé dans le collimateur de « la brigade de l’herbe » qui a estimé que dans ses vignes l’herbe était trop haute et n’a pas compris que les pissenlits permettent de fertiliser et d’aérer naturellement le sol. Dominique lui, connu pour ses merveilleux gevrey-chambertin et pommard, a le malheur (pour notre plus grand bonheur) de ne pas respecter la date minimale légale d’élevage et de mise à la consommation car l’élaboration naturelle de ses vins provoque des fermentations très rapides.Il y a aussi Olivier, le fier chevalier d’Anjou, à qui l’INAO reproche, entre autre, de vouloir apposer sur certaines de ses étiquettes les mentions « mis en bouteille au domaine » ou « éthique du domaine » car seuls les vins bénéficiant d’une appellation ont le droit d’utiliser les mots « cave», « domaine », « château », « clos », « prieuré »… Et puis David, le poète champenois et ses cuvées « L’apôtre », « L’artiste », « L’astre »… menacé d’exclusion du comité Champagne pour « anomalie gustative » avec obligation de fournir un diagnostic du processus de ses vins suite à la mise en place du suivi aval, une procédure discutable qui autorise les instances de contrôle et de labellisation à l’achat de bouteilles auprès de tout circuit de commercialisation et de distribution et d’en faire une dégustation et une analyse. Enfin, Alexandre, qui produit un remarquable pouilly-fumé et qui a dû subir 4 ans de procédure face à l’INAO et aux instances locales avant que ses blancs puissent bénéficier d’une AOC. Tout ça parce qu’un dégustateur avait jugé un des millésimes « oxydé ».
C’est avant tout pour des passionnés comme Sébastien, Dominique, Olivier, David et Alexandre qu’Éric Morain se bat toujours et encore. Afin que leurs vins ne demeurent pas « orphelins » et que les amateurs de vins naturels, de plus en plus nombreux, puissent, comme il le dit, savourer ce vin « fait de chair et d’os »
PhG
« Plaidoyer pour le vin naturel » d’Éric Morain aux éditions Nuriturfu 14€
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION